L'histoire 30 ans de la vie de Henry Hill,
jeune membre de la mafia new yorkaise. Sa découverte de la pègre,
sa vie de famille, le quotidien d'un gangster. Tout se passe pour le mieux
jusqu'à ce que les affaires de drogues prennent le pas sur les affaires
"normales".
Impression "Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours
voulu être un gangster.". Dans cette phrase laconique est présent
tout le film, mélange d'ironie et de destinée inévitable.
Car la vie de Henry Hill a été toute tracée dès
l'enfance quand il observait hébété les agissements
de la mafia sous ses fenêtres. Pour un jeune comme lui, ce monde
ressemblait à un conte de fée permanent. Le film raconte
comment il va transformer ce conte de fées en cauchemar par mépris
des règles élémentaires du Milieu. Avec l'habileté
d'un orfèvre, Scorsese nous prend par la main pour nous présenter
tous les rouages de ce drôle d'univers. Un univers que l'on avait
quitté dans le sang, avec sa description qui donnait froid dans
le dos, dans la série de Francis Coppola The Godfather (Le
Parrain). Ici, ce n'est pas le même regard. Scorsese nous présente
un monde logique, ordonné, plutôt calme même. Parfois,
bien sûr, il faut remettre les choses à leur place, et il
peut y avoir des dégâts. Mais là ou Coppola nous présentait
un univers violent et sans sentiments, Scorsese nous démontre que
le but premier de la mafia n'est pas d'abattre froidement quelqu'un de
plusieurs balles, mais bien de gagner le maximum d'argent. Alors, oui,
si un rouage est grippé, il faut faire sauter le maillon qui pose
problème, mais tout est droit, orchestré, et même,
osons le terme, séduisant. On peut donc imaginer ce qui a pu se
passer dans la tête du jeune Hill quand il regardait cela du haut
de ses 13 ans. Ensuite, dans The Godfather, le monde de la mafia
était essentiellement masculin. On s'aperçoit dans Goodfellas
que la femme a aussi une importance considérable, et que lorsque
des petits ennuis arrivent au couple Hill, c'est le chef de famille lui-même
qui vient tenter de résoudre les problèmes.
Lorsque Martin Scorsese a lu le livre de Nicholas
Pilleggi, il s'est rendu compte que c'était l'occasion de refaire
un film de gangster, genre qu'il avait déjà longuement abordé
(who's that....,
Boxcar
Bertha, Mean Streets
et même
Raging Bull par certains
aspects), mais il tenait là un nouvel angle très intéressant
à développer. Ainsi, après de longues années
passées, pendant lesquelles il réalisait
After Hours,
The
Last Temptation of Christ, New York Stories,
il mis en scène ce pur chef d'oeuvre à ranger au coté
des plus grands classiques du genre. Il inaugure également avec
Goodfellas
un nouveau style de narration qu'il s'emploiera à renouveler et
amplifier dans
The age of innocence et Casino.
Sur le principe d'une voix off, on assiste à une saga familiale
(dans le sens général du terme) ou la virtuosité du
cinéaste et le génie de l'interprétation nous remplissent
d'un bonheur sans égal. On savait Scorsese remarquable réalisateur,
mais il nous dévoile encore un talent incroyable quand il s'agit
de conduire une narration. Les séquences se suivent comme autant
de morceaux de bravoures. Le sommet arrivant à la fin, lors de cette
scène géniale ou le réalisateur décrit toute
une journée qui se terminera bien mal pour notre héros. Dans
cette scène, le voyage en image s'effectuera également en
musique pour ce qui est certainement l'un des plus formidable montage sonore
du cinéma, ou pas moins de 8 chansons s'enchaînent à
un rythme infernal.
Au niveau interprétation, le spectateur
s'en donne à coeur joie. Jusque là, les films de Scorsese
étaient centralisés sur un, voire deux personnages centraux.
Ici, c'est une véritable suite de personnages principaux qui nous
est donné d'apprécier. S'il est vrai que la performance de
Ray Liotta est remarquable (il trouve ici le rôle que son talent
méritait), on ne peut s'empêcher d'énumérer
les autres acteurs des rôles principaux : Robert De Niro, d'un froid
glacial, Joe Pesci, toujours aussi énervé, Paul Sorvino,
en parrain de la mafia plus calme qu'un joueur d'échec mais avec
un regard dans lequel on devine une détermination sans faille. Je
terminerai par la formidable Lorraine Bracco, que l'on voit peut au cinéma,
mais qui fait preuve dans sa composition, d'une qualité de jeu exceptionnelle,
en femme victime de la destinée de son mari.
Sommet du cinéma scorsesien, Goodfellas
aborde les thèmes chers au cinéaste : Le pouvoir de la famille
(au sens large) qui montre que si l'on essaie d'aller à contre sens,
tout s'écroule. La religion, car Henry Hill est tel le Judas de
The
last temptation of Christ, fasciné par un monde qu'il essaie
de comprendre, et torturé par le devoir de vendre ses propres amis,
non pas pour 30 deniers, mais pour le droit de devenir cet être qu'il
déteste le plus au monde, "un plouc". La violence, ici présente
de manière brutale, primaire, mais aussi régie selon certaines
règles - le personnage de Joe Pesci est exécuté d'une
balle dans la tête pour que sa dépouille ne puisse pas être
exhibée à l'enterrement.
Vous l'aurez compris, si l'oeuvre entière
de Martin Scorsese est intéressante dans son ensemble, on peut détacher
certains films clés que l'on se doit d'avoir vu, parmi lesquels
Goodfellas
trouve une place de choix.
Autour
du film
Comme traditionnellement, les parents du cinéaste
participent à la distribution du film, mais ici ils ont droits à
de véritables rôles. Catherine interprète la mère
de Joe Pesci et se montre formidable lors d'une scène où
elle reçoit à table les trois protagonistes du film (Henry,
Tommy et Jimmy) et leur raconte de savoureuses histoires italiennes. Quant
à Charles Scorsese, il incarne l'un des caïd de la famille
qui participe notamment à la froide éxécution de Tommy.
Ajoutons, que dans le film, et c'est suffisament rare pour le signaler,
que Marty ne fait aucune apparition dans son propre film.
Le scénario est tiré du roman de Nicholas
Pilleggi "Wiseguy". Devenu complice du cinéaste, à l'instar
d'un autre grand scénariste Paul Schrader, il signera le livre et
le scénario de Casino, puis le
scénario d'un des prochains, et très attendu, film du cinéaste,
Dino
basé sur la vie du crooner et acteur américain Dean Martin
(voir News).
Goodfellas marque les retrouvailles du cinéaste
avec son acteur fétiche, Robert De Niro. Les sept années
qui séparent le film de leur dernière collaboration, King
of Comedy, constitue la plus longue période de séparation
de leur immortel duo. De Niro aura entre temps participé à
neuf films et Scorsese en aura réalisé quatre (plus quelques
extras).
Rare au cinéma, Lorraine Bracco est une psychologue
formidable dans la série "The Sopranos" (diffusé en France
sur Canal Jimmy), ou elle est confrontée une nouvelle fois à
un membre de la mafia.
Goodfellas remportera un grand succès
critique et public à travers le monde. Le film sera six fois nominé
au Oscars à Hollywood, et Joe Pesci recevra celui du meilleur second
rôle.