RAGING BULL (1980)

L'histoire
De son avènement jusqu'à sa déchéance, le film raconte la vie tourmentée de Jake La Motta, surnommé Raging Bull, ancien champion du monde poids moyen de boxe. Homme schizophrène, paranoïaque et terriblement violent, il perdra tout, de sa femme à son propre frère et se retrouvera seul à faire la tournée des night clubs, pourchassé par ses vieux démons.
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Impression
Lorsque Scorsese s'attaque au projet Raging Bull, il vit la pire période de sa vie. Il sort de l'échec cuisant de New York, New York, son second mariage vient de sombrer, et physiquement, il est très usé par la consommation de drogues et les virées interminables avec son ami Robbie Robertson. C'est un homme détruit qui se retrouve à l'hôpital à demi mort. Robert De Niro lui rend visite pour le pousser à faire ce film sur la biographie d'un ancien champion du monde de boxe. L'aspect auto-destructeur du personnage fascinera Scorsese en tout point. La Motta est l'archétype même du personnage scorsesien. D'ailleurs, Scorsese ne souhaite pas faire une "film de boxe", il déteste ce sport : "Qu'est-ce qu'il y a de plus primaire que de gagner sa vie en cognant un autre type sur la tête jusqu'à ce que l'un des deux tombe ou arrête ?", déclare-t-il. Pour De Niro, par contre, interpréter le rôle d'un boxeur à Hollywood, c'est le passage obligé de tout grand acteur. La transformation physique et mentale du personnage sera aussi pour lui le plus grand challenge d'une carrière débutée dix ans auparavant. Les deux hommes s'expatrient sur une île pour retravailler le scénario de Paul Schrader et Mardik Martin. A son retour, le cinéaste est quasi requinqué. Il a regrossit, arrêté la drogue et vit une romance avec la sublime Isabella Rossellini (il l'épousera pendant le tournage, le 30 septembre 1979). Le film peut commencer...
Ce qui frappe dès les premières images, c'est le physique de Robert De Niro. Il nous apparaît énorme, bouffi, le visage meurtri et un cigare vissé au coin de ses lèvres. A n'en pas douter son personnage a vécu de terribles souffrances. Puis, un rapide flash-back nous amène vingt ans auparavant, au beau milieu d'un ring. Cette fois l'allure de l'acteur est celle d'un champion, le regard est clair, la musculature est impressionnante. Puis la violence... Inouïe. Jamais un combat de boxe n'a été filmé de manière aussi crue. Le choc des poings sur les visages, les flashs incessants des appareils photos, les commentaires monocordes des journalistes, les cris de l'assistance, tout, absolument tout, nous saisit, pour nous placer à notre tour sur le ring pour y subir la violence primaire d'un combat de boxe. Je m'étale sur ces cinq premières minutes, car tout le film est présent dans ces deux séquences stupéfiantes. La mise en scène est un modèle du genre. La caméra virevolte autour des personnages, entre opéra et documentaire. Réalisée par le très brillant Michael Chapman, la photo en noir et blanc du film est une merveille et la texture de l'image crée d'elle-même un malaise : est-ce du sang ? est-ce de la sueur ? La gestion du temps est aussi un aspect fondamental des scènes de combats. Lié au son et à l'image, le temps est tour à tour accéléré, quand on reçoit le cuir du gant de boxe en pleine face, et figé, quand le corps s'écroule sur le ring. Pour son incroyable travail de montage, Thelma Schoonmaker recevra un Oscar mérité pour le film. Le parti pris de filmer les combats de l'intérieur du ring, est du au refus du cinéaste de montrer l'aspect frontal et traditionnel de ce genre de spectacle. C'est aussi une évidence qu'il souhaite par ce biais responsabiliser le spectateur quant à l'atrocité dont il est le témoin impuissant. S'il est possible de le faire, nous pourrons, de fait, comprendre, et excuser, l'attitude de La Motta dans la vie. Tel un autre combat de boxe, le rythme des séquences hors ring montrant Jake La Motta, est orchestré entre instants de calmes et scènes de violences insupportables. Toute l'ambiguïté du personnage de La Motta est là, dans son incapacité à prendre le recul nécessaire entre sa vie et son métier. Si le personnage mérite tout de même que l'on s'apitoie sur son sort, c'est par son incroyable naïveté, défaut totalement enfantin s'il en est. Il ne peut se résigner à pactiser avec la mafia, alors que la réussite de sa carrière en dépend. Ses doutes quant à la fidélité de son épouse sont d'une telle bêtise qu'ils en deviendraient presque comiques, si La Motta ne finissait pas par briser sa vie à cause d'eux. Et lorsqu'il se retrouve face à lui-même, devant son miroir, lors d'une dernière scène poignante, c'est un homme meurtri mais libéré du poids de ses fautes qui remémore sa vie, en citant les dialogues déchirant du film d'Elia Kazan Sur les Quais (On the Waterfront) que l'on croirait tout droit sortis d'une conversation entre son frère et lui.
Vous l'aurez compris, Raging Bull, considéré par beaucoup (dont votre serviteur) comme le plus grand film de Martin Scorsese, est un pur chef-d'oeuvre. Comme il est difficile et inutile d'étaler une suite de superlatifs en détaillant chaque aspect du film, de l'interprétation à la technique du tournage, du scénario à la post-production, je m'en vais arrêter là, en vous conseillant si ce n'est déjà fait de vous procurer de toute urgence le film (si possible en dvd), afin de voir et revoir, ce sommet immortel du cinéma.
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