L'histoire Dans les années 70, Las Vegas est plus que jamais,
sous l'emprise de la pègre, le temple du jeu et de l'argent. La
direction du casino Tangiers est confiée à Sam Rosthstein.
Celui-ci est tiraillé entre une femme sublime mais qui va se détruire
la santé dans l'alcool et la drogue, et son ami d'enfance, homme
violent et avide de pouvoir. Ce trio infernal ne pourra que se disloquer
avec le temps et l'enfer qu'il vivront.
Impression Casino, c'est l'histoire d'un affrontement. Celui entre deux hommes
dont les caractères sont antinomiques mais le but identique : gagner
de l'argent. D'un coté, Sam "Ace" Rothstein (Robert de Niro), juif
de la vieille école, dont les talents de joueur sont impressionnants
et qui gagne et fait gagner très facilement de fortes sommes d'argent.
De l'autre, Nicky Santoro (Joe Pesci) un italien vicieux et dangereux
qui ne sait obtenir de l'argent qu'en instaurant un régime de terreur
autour de lui. Les deux hommes ont grandi ensemble, se respectent et se
craignent, mais vont se déchirer autour de deux mondes que tout
oppose : le jeu et l'amour. Las Vegas dans les années 70 est resté
la capitale intraitable du pouvoir de l'argent et encore contrôlée
par les bâtisseurs historiques de la ville, les caïd de la mafia.
Dans cette juteuse affaire bien huilée va intervenir Ginger (Sharon
Stone), une très belle femme, prostituée de luxe et amoureuse
des billets verts et des bijoux sans aucun scrupule. Au casino le Tangiers,
tout le monde espionne tout le monde (Ace remarquera Ginger par le biais
des caméras de surveillance). Ce fabuleux jeu de dupes fera du trio
infernal l'un des artisans de la chute de l'ancien empire de Vegas. Ce
travail de contrôle et de manipulation est totalement présent
dans la mise en scène de Scorsese. Tour à tour documentariste
quant il s'agit d'expliquer les rouages du fonctionnement obscur du casino,
et parfait illustrateur du drame que vivent les protagonistes du film,
Scorsese dépasse avec Casino le sommet cinématographique
d'une oeuvre déjà parfaite jusque là. Si le choix
de ce scénario parait logique au premier abord, on découvre
en voyant le film qu'il se situe assez loin de ses thèmes de prédilection
habituels. Dans Casino, aucune compassion pour ce qui s'affiche
devant nos yeux. Scorsese nous dévoile ici un des aspects les plus
noir et brutaux qu'il nous ait donné de voir. Il déteste
ce monde qu'il dépeint et ne prend aucune pincettes pour le montrer.
Alors que dans Goodfellas, la pègre
agissait somme toute avec certaines règles bien établies,
dans Casino, elle n'est là que pour palper la monnaie, sans
lever le petit doigt, végétant dans les sous-sols d'hypothétiques
immeubles, et incapable de tolérer une autre façon d'agir,
fusse-t-elle aussi illégale que la leur. Le monde du jeu est montré
comme une arnaque où les joueurs sont tous des perdants en puissance.
Aucun des personnages ne trouvera de rédemption. Tels les joueurs
du casino, ils perdront tous à la fin quelque chose (vie, amour,
ambitions). Même la famille ne trouve pas dans Casino sa place
qu'elle avait dans les films précédant du cinéaste.
A la recherche de la création, enfin, de son propre univers, Ace
ne trouvera dans sa nouvelle famille que malheur et désolation.
Et bizarement, le seul que l'on penserait seul et dénué de
sentiments, Nicky Santoro, est celui qui se pose comme unique bon père
de famille et se débrouille toujours pour préparer le petit
déjeuner de son fils, après avoir passé la nuit à
broyer le crane de ses victimes dans un étau. On retrouve dans le
film la forme narrative déjà expérimenté dans
Goodfellas
et The age of innocence, c'est à dire
le commentaire off. Ici, le film est raconté par Ace et Nicky, ce
qui donne à l'histoire un aspect de duel sans interruption. Renforcé
de nouveau par une bande son incroyable, l'aspect stylistique du film est
impressionnant de virtuosité et d'intelligence. Les scènes
se succèdent à un rythme infernal et les trois heures du
film passent à toute allure. Reflet parfait d'un cinéma scorsésien
par excellence (montage effréné, caméra en mouvement
en permanence), Casino se démarque aussi comme l'une des
oeuvres les plus personnelle et complexe du cinéaste. Chaque séquence
est filmé de la manière la plus juste qui soit. Une des scène
phares nous présente un affrontement entre les deux ténors
du film seuls en plein désert avec en fond sonore le thème
du Mépris de Godard composé par Georges Delerue. Cette
scène symptomatique du film, témoigne de la profonde maturité
du cinéaste et l'on peut se dire, à raison, que son cinéma
après
Casino ne sera plus comme avant (un constat identique
pouvait être fait après Raging Bull,
quinze ans auparavant, où le cinéaste avait investi dans
le film jusqu'à sa propre vie). S'il est habituel au fil des pages
que vous parcourez sur ce site d'écrire que Martin Scorsese est
un grand directeur d'acteurs, on ne peut pas passer, pour ce qui concerne
Casino,
sur la composition époustouflante de Sharon Stone (je me tairai
sur celles de De Niro et Pesci de peur de manquer de superlatifs déjà
énumérés ça et là sur le site). Elle
démontre dans la création de cette femme sans scrupules qui
finira usé par l'alcool et la drogue, seule et agonisante dans un
couloir lugubre d'un immeuble miteux, qu'elle est bien l'une des plus grandes
(et désespérement belle) actrices d'aujourd'hui, que l'on
a eu l'erreur de cataloguer comme l'auteur du plus formidable croisement
de jambe du cinéma (dans Basic Instinct faut-il le rappeler).
Par sa qualité de narration, la virtuosité de la mise
en scène, sa distribution épatante, Casino n'est pas
seulement un des chefs d'oeuvre du maître, mais peut se ranger au
panthéon des plus grands films américains de ces vingt dernières
années.
Autour
du film
Le film est tiré d'une histoire complètement vrai. L'homme
qui a inspiré le personnage de Ace Rothstein se nommait Rosenthal.
Il a même participé à l'écriture du scénario
et comme consultant sur le tournage.
Comme souvent (trop ?) pour un film de Scorsese, Casino n'a pas
eu de récompenses majeures à Hollywood. Seule Sharon Stone
a reçu le Golden Globe de la meilleure actrice, tandis qu'elle manquait
de peu l'oscar. Cette année là c'est Susan Sarandon qui l'obtint
pour Dead Man Walking.
Le montage du film, toujours exécuté par Thelma Schoonmaker,
fidèle au cinéaste depuis Raging
Bull, a duré plus d'un an. La monteuse a expérimenté
pour ce film un nouveau type de montage, aujourd'hui très courant,
dit non-linéaire sur plateforme informatique. Ce procédé
permet de réaliser rapidement plusieurs montages d'une même
scène pour pouvoir mieux choisir après.
La maman de Marty apparait cette fois dans Casino non pas comme
la mère d'un des personnages principaux, mais celle de Piscano,
le bras droit de Nicky Santoro. Elle a une courte scène dans un
café. Il s'agit là de son dernier rôle. Catherine Scorsese
disparaitra le 6 janvier 1997 à New York.