BRINGING OUT THE DEAD (1999) (A tombeau ouvert)
L'histoire
Franck Pierce est ambulancier. Chaque nuit,
dans les rues de New York du début des années 90, il est confronté
à toute la violence et la misère du monde. Blessures par balles,
coups de couteaux, suicides, overdoses... Franck tente de sauver des vies, comme
un automate, au limite de ses forces, hanté par toutes celles qu'il a
perdues au fil des ans. Au milieu de cette détresse, il ne peut se ratttacher
qu'à l'unique source d'espoir qu'il lui reste : Mary, fille d'un mourant
qu'il a tenté de sauver.
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Impression
Si Jésus était revenu sur terre au début
des années 90, il serait peut-être ambulancier à Hell's
Kitchen, l'un des pires quartiers de New York City. C'est ce que semble dire
Martin Scorsese dans Bringing out the dead. Alors que les hommes et les
femmes meurent sur le bord des trottoirs, un guerrier désarmé
se lance à tombeau ouvert dans une croisade perdu d'avance. Lorsqu'il
arrive sur les lieux, soit il est déjà trop tard, soit les victimes
disparaissent dans ses bras. Alors pourquoi ne pas leur jouer de la musique
? Comme ce bon vieux Sinatra que cet homme aimait tant... Et le pouls repart.
Vingt cinq ans auparavant, Travis Bickle, le fameux Taxi
Driver, n'aurait même pas tenté de secourir la lie de cette
société qu'il rejetait en bloc, excepté cette jeune Marie-Madeleine
tout droit sortie du nouveau testament. La Marie-Madeleine de notre pauvre ambulancier,
Franck Pierce (Nicolas Cage), c'est aujourd'hui la fille de notre mourant amateur
de Sinatra, Mary (Patricia Arquette). Franck va voir en elle un véritable
motif d'espérer dans ce monde à l'agonie et où les morts
reviennent vous voir pour vous faire regretter de ne jamais arriver à
temps.
Tiré du roman quasi autobiographique de Joe Connelly,
ancien ambulancier de son état, Bringing out the dead offre à
Scorsese l'occasion de revenir à New York y chasser ses vieux démons.
L'analogie avec Taxi Driver est troublante au
départ. On croit reconnaître les mêmes lumières, les
mêmes passants hébétés. New York n'aurait-elle pas
changé depuis 1975 ? Et puis tout à coup le ton du film s'oriente
plus vers une relecture de la vie du Christ, comme Scorsese l'avait si bien
illustré dans son film controversé The
last temptation of Christ. Une à une, les grandes scènes
bibliques semblent revenir : le miracle de la résurrection de Lazare,
les apôtres, le baptême, l'immaculée conception et même
la pêche miraculeuse (grâce à l'emploi du tube des Marvelettes
Too many fish in the sea). Et au milieu de tout cela, cet homme ressemblant
à un Willem Dafoe - Jésus Christ, est incapable de comprendre
que toutes ces épreuves ne sont là que pour sa propre rédemption.
Franck n'arrive pas à se remettre de la disparition d'une jeune fille,
Rose, dont le fantôme vient hanter ses longues escapades nocturnes. Elles
ne cesse ne lui demander pourquoi il l'a tué. Et lui est incapable de
répondre simplement qu'il est désolé, que c'est ainsi et
qu'il n'y pouvait rien...
Le film de Scorsese répond à Taxi
Driver par un style qui devient de plus en plus déjanté
au fur et à mesure que l'histoire progresse et que l'état de décrépitude
physique de son héros augmente. Dans Taxi Driver, le rythme était
lent, contemplatif, comme un documentaire sur les nuits new yorkaises. Ici,
on est plus souvent dans des vitesses de cartoons à tel point que souvent
c'est le rire qui l'emporte sur la violence des séquences. C'est un aspect
tout à fait nouveau chez le cinéaste, qui choisit là de
désacraliser une certaine violence qui était devenu chez lui une
véritable marque de fabrique. Les trois nuits passées offrent
trois visions totalement différentes les unes des autres. Les drames
de la première nuit laissent la place, d'abord à une cérémonie
grotesque pendant la seconde, puis à une pochade énorme lors de
la troisième. Comme si le cinéaste indiquait aux spectateurs que
malgré l'horreur alentour, il faut mieux jouir de la vie comme si chaque
jour était le dernier (notons au passage que Marty est devenu il y a
peu un heureux papa, ceci explique peut-être cela quant à ce nouveau
regard sur la vie). Malgré tout cela, il y a dans Bringing out the
dead de véritables moments typiquement scorsesien. Comme la description
quasi documentaire de la difficile vie des urgences de l'hôpital Notre
Dame de la Miséricorde, la façon de filmer la rue avec ses visages
figés par la détresse, un filmage et un montage toujours aussi
virtuose, et une bande-son une nouvelle fois époustouflante.
Pour ce qui est de la distribution, le choix de Nicolas
Cage s'impose dès les premières secondes. Il a su se glisser dans
l'univers du cinéaste avec un brio incroyable. Sa performance éblouissante
tient également à son apparence qui se décrépit
au fur et à mesure de l'avancée du film, jusqu'à lui-même
ressembler aux morts vivants qu'il doit secourir. A ses cotés, un casting
de rêve vient s'ajouter au film : Patricia Arquette, John Goodman, Ving
Rhames, Tom Sizemore. Tous sont parfaits, mais je souhaiterai offrir une mention
spéciale à Ving Rhames qui compose le second collègue de
Nicolas Cage, entre secouriste et prêcheur, et qui nous donne lors d'une
scène déjà mythique une performance complètement
folle.
Au final, Bringing out the dead est une formidable
réussite qui, sans oublier le style personnel et qui nous est si cher,
augure d'un nouveau virage du metteur en scène vers une narration
plus positive, à des années lumières des constats pessimistes
d'antan. Finalement avec ses cotés si terribles, le monde n'est peut-être
pas si mauvais que cela.
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