L'histoire Ancien du Vietnam et insomniaque,
Travis Bickle devient chauffeur de taxi la nuit dans les bas-fond new yorkais.
Écoeuré du spectacle dont il est le témoin quotidien,
il cherche à s'attirer les charmes d'une jeune femme très
différente de sa personnalité, puis prend pitié pour
une jeune adolescente prostituée. Repoussé par la première,
il sombre dans une folie meurtrière qui le poussera à libérer
la seconde des bras de son mac, laissant derrière lui un terrible
bain de sang.
Impression Lorsque l'aventure de Taxi Driver démarre
en 1974, tout va pour le mieux pour les principaux protagonistes du film.
Scorsese sort du succès de Alice...,
avec un Oscar pour Ellen Burstyn à la clé, Paul Schrader,
le scénariste, vient de vendre sa première histoire, Yakusa,
à un grand studio, Robert De Niro est enfin révélé
grâce au Parrain 2, et les producteurs Michael et Julia Phillips
viennent de triompher grâce à L'Arnaque. Réunis
par Brian de Palma, Martin Scorsese et Paul Schrader tombent d'accord pour
faire ce film qui tombe à point nommé dans la carrière
du cinéaste. Réalisé avec un budget très faible,
le film sera tourné à toute allure : Robert De Niro doit
être libéré rapidement pour commencer le tournage de
la fresque italienne de Bernardo Bertolucci, 1900,et Scorsese
souhaite démarrer rapidement le tournage de New York, New York
tout de suite après. C'est cette approche frénétique
dans le travail qui, sans doute, donne au film cet aspect d'urgence ultime.
Tout est parfait dans Taxi Driver. Le scénario, écrit
par Paul Schrader, retranscrit habilement la montée vers la folie
criminelle de ce chauffeur de taxi qui, outre le fait d'incarner un "justicier
dans la ville" (aux antipodes du personnage de Charles Bronson dans la
série à succès du même nom), est victime de
la situation de l'Amérique des années 70, au sortir de la
guerre du Vietnam, qui ne trouve d'issue que dans le mensonge de la politique,
des fantasmes sexuels et de la drogue. La grande qualité du scénario
est de démontrer que dans un monde ou les repères n'existent
plus, on est capable de sacraliser un ange exterminateur, comme l'a été
un certain Charles Manson. La deuxième preuve de l'indéniable
réussite du film est liée à la grande qualité
de l'interprétation. Au risque de me répéter à
longueur de pages, la performance de Robert De Niro dans le rôle
de Travis Bickle est à marquer d'un pierre blanche. Il n'y a qu'à
regarder sa filmographie entre 1974 (Le Parrain 2) et 1984 (Il
était une fois en Amérique), pour remarquer l'absence
de faux pas dans cette décade que l'on peut définir de prodigieuse
(notons d'ailleurs que l'acteur croisera le chemin du cinéaste de
Taxi
Driver à quatre reprises pendant cette même période).
Il démontre, s'il le faut encore, qu'il est l'un des acteurs les
plus importants de l'histoire du cinéma mondial. La froideur qui
se dégage du regard de Travis au volant de son véhicule,
suffit à imprégner l'écran d'un malaise indélébile.
Martin Scorsese déclare avoir beaucoup travaillé sur l'improvisation
de ses comédiens, comme dans beaucoup d'autre de ses films, d'ailleurs.
Ce ton proche du documentaire nous rend complice, et c'est cette complicité
qui provoque également chez le spectateur un sentiment de culpabilité
et de compassion. Le reste de la distribution fait également pour
beaucoup dans le succès du film. En dehors de Harvey Keitel, toujours
parfait, et de Cybil Shepherd, touchante midinette, c'est Jodie Foster
qui provoqua un choc incroyable à la sortie du film. Son incroyable
culot et une étonnante maturité pour une adolescente de seulement
13 ans, marquèrent les esprits à tout jamais. Jodie Foster,
certainement un des personnages les plus brillant et intelligent du cinéma,
trouvera là l'envol d'une carrière sans faille jusqu'à
aujourd'hui, et remportera deux oscars avant même d'avoir 30 ans.
Enfin, au niveau de la réalisation, le "style" Scorsese déjà
présent dans ses précédents films, prend ici toute
sa dimension. Le premier voyage de Travis Bickle dans les rues de New York
nous offre à voir des cadrages aussi superbes qu'originaux, et un
découpage d'une précision diabolique. Le spectateur est partout
à la fois. Nous sommes le passager du taxi, le regard dans le rétroviseur,
le passant victime de la nuit et lavé par cette pluie artificielle
sortie des bornes incendies. La violence parfaitement invisible à
l'écran pendant la quasi totalité du film, est néanmoins
présente par le style frénétique du montage et des
angles de prises de vue. Et lorsque l'horreur prend vie par le bras armé
de Bickle, le rythme est si étourdissant que la perception des images
se fait moins précise, et que l'on croit voir plus que ce que l'on
ne voit réellement. Ce n'est qu'au terme du carnage final que notre
regard prendra son envol, pour constater l'image figée de la violence
filmée à l'état brut.
Puisqu'il qu'il faut bien conclure (le film mériterai
à lui seul un site entier), je ne peux pas ne pas parler de la musique
originale créée par Bernard Herrmann. Sublime partition,
elle marque la dernière collaboration de ce compositeur de génie
avec le cinéma, qu'il a contribué à être encore
meilleur. Herrmann est mort la veille de noël 75, juste après
avoir terminé Taxi Driver. Je pense qu'il est besoin de rappeler
(il n'y a qu'à regarder certains sites web sur les musiques de films
qui oublient de mentionner cet illustre personnage du septième art
!!!) que Bernard Herrmann est le compositeur de Citizen Kane, The
Ghost and Mrs Muir, La mariée était en noir, et
surtout de quelques uns des plus grands films d'Alfred Hitchcock dont Vertigo,
La
mort aux Trousses et Psychose.
Autour
du film
Taxi Driver remportera un grand succès
critique à travers le monde, dont le point culminant sera la Palme
d'Or au festival de Cannes 1976. Le jury était présidé
cette année-là par Tennessee Williams.
Chose rare, ce n'est pas une mais deux apparitions
que Scorsese nous offre dans le film. La première est fugitive,
le cinéaste est assis sur un petit muret au coin d'une rue et regarde
passer la silhouette de Cybil Shepherd. Quant à la seconde, c'est
une longue séquence où Scorsese interprète le rôle
d'un passager du taxi, et demande à Travis d'observer la fenêtre
éclairée de l'immeuble où se trouve sa femme qui le
trompe. Il s'agit là de la plus longue scène que s'est offert
le cinéaste dans un de ses films, documentaires excepté bien
sur.
Non crédités au générique,
on peut reconnaître les parents du réalisateur sur la photo
d'un journal lors de l'épilogue. On devine qu'ils interprètent
les parents de Jodie Foster.
Taxi Driver n'est pas tout à fait la
dernière collaboration entre le compositeur Bernard Herrmann et
Scorsese, ce dernier reprenant la partition originale de 1962 pour son
remake de Cape Fear en 1991.
Le 30 mars 1981, le président Ronald Reagan
tombe sous les balles d'un certain John Hinkley. Il affirmera que son geste
de pure folie a été inspiré par la scène de
la tentative d'assassinat du sénateur Palantine dans Taxi Driver.
Et tout cela, par pure obsession pour Jodie Foster.