THE DEPARTED (Les Infiltrés) (2006)

L'histoire
Boston... Pour mettre un terme aux agissements du parrain de la mafia irlandaise, un jeune policier issu des bas fonds se retrouve infiltré au coeur du gang. Dans le même temps, un autre jeune tout juste sortit de l'école de police intègre une unité d'élite... Or, ce dernier se révèle être une taupe à la solde du parrain. Mais très vite, les suspicions de part et d'autre de la loi font leurs apparitions...

 

Gangs of New York

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Impression

Retour aux sources pour Scorsese à l'occasion de la sortie de The Departed. Après un passage par deux films épiques à gros budget, il nous revient en très grande forme avec un bon vieux film de gangsters comme nous les aimons tant.
Pourtant, The Departed ne ressemble pas beaucoup à ses précédentes oeuvres. Ici pas de rédemption comme dans quasiment tous ses films. L'art est dans le mensonge, la trahison. Une certaine idée de l'Amérique, là où même le président vous raconte des bobards pour pouvoir faire son petit business. La descente aux enfers du héros interprété par un diCaprio exceptionnel donne une noirceur et un désenchantement au film que Scorsese ne nous avait plus donné à voir depuis longtemps. Face à lui Matt Damon interprète un jeune flics aux dents longues et au cynisme glaçant. Le premier se retrouve là bien malgré lui et illustre bien le fait que l'on ne peut pas fuir son passé, tandis que le second illustre parfaitement la profession de foi de Franck Costello (Jack Nicholson) selon laquelle chaque homme ne doit pas être un produit de son environnement mais de faire en sorte que son environnement soit un produit de soi. Et d'ajouter que de toute manière "qu'on soit flic ou gangster, face à un flingue, ou est la différence".
Alors voilà, ce film serait le remake ricain d'un polar hong-kongais Infernal Affairs. Autant le dire tout de suite : je ne vais pas m'étendre trop là dessus et jouer au jeu des comparaisons. Quitte même à m'attirer les foudres de certains fans du film original, je trouve la version scorsésienne nettement meilleure. Donc, après vision du film je serais plutôt tenté de dire que plutôt qu'un remake c'est avant tout une variation sur un même thème, car outre quelques différences dans le scénario, c'est surtout dans le style narratif que Scorsese impose sa patte. J'ai du déjà écrire ici ou là à quel point Scorsese était un des plus grands virtuose du cinéma. Avec The Departed, il se surpasse de nouveau. Pourtant, choisir de revenir au film de gangster aurait pu être considéré comme une très mauvaise idée sachant que fatalement on le comparerait à ses chefs d'oeuvre passé que sont Mean Streets, Raging Bull (même si ce n'est pas fondamentalement un film de gangster), Casino et surtout Goodfellas. Et bien, on peut dire que le bougre sait toujours se renouveler avec maestria et que j'ai été surpris de découvrir des choses insoupçonnées dans sa manière de faire du cinéma. Un mode de narration original dans l'art d'utiliser le montage en parallèle, de laisser se dérouler l'action puis de revenir en arrière pour mieux repartir. Un système qui désoriente le spectateur pour mieux le faire appréhender la psychologie des personnages. Notons au passage le formidable travail de la monteuse de -presque- toujours Thelma Schoonmaker, qui, à n'en pas douter est décidément l'une des plus grandes spécialistes du domaine. Bref, pendant les deux heures vingt que dure le film, le cinéaste s'en donne à coeur joie. Nouveau venu dans l'univers scorsésien, William Monahan, dont The Departed est le second scénario au cinéma après le médiocre Kingdom of Heaven, fait montre d'une maitrise totale et surtout d'un art du dialogue remarquable. Il suffit d'écouter les quelques phrases, parfois hilarantes de grossièreté, de Mark Wahlberg, pour s'en convaincre. Et trouvaille d'un scénario qui ancre The Departed dans son temps : ces jeux de passe-passe dans l'utilisation des téléphones portables et des textos pendant tout le film. Visuellement le film est aussi une grande réussite, le chef opérateur Michael Ballhaus, qui retrouvait Scorsese pour la septième fois, prouve qu'il est, lui aussi, un maitre en la matière. Et la bande son, me direz-vous ? Et bien, Scorsese nous fait, comme a son habitude, une revue de standards impérissables (coutumiers Rolling Stones, plus surprenant Roger Waters), mais aussi découvrir quelques perles dont les fameux Dropkick Murphys, et leur rock gaélique très énervé.
Côté acteurs, c'est à un véritable feu d'artifice que nous assistons. Déjà, le casting est grandiose, mais de plus, tout le monde est à son top. En tête, notre bon Leonardo, que j'ai toujours voulu jusque là éloigner d'une comparaison facile avec deNiro. Ce dernier représentait le pendant de Scorsese devant la caméra, et je ne voyais pas diCaprio tenir ce rôle. Or, désormais, je comprends pourquoi le cinéaste s'est entiché de ce brillant comédien. Ils ont un point commun évident : celui de ressentir le même dégout de ce qu'est devenu leur pays aujourd'hui. Et leur collaboration prend avec The Departed une nouvelle dimension. Toujours sur le fil du rasoir, sa paranoia et sa détresse est perceptible chaque instant, et l'impression de perdre son identité est d'une tragique justessse. Face à lui, Matt Damon, dans un rôle pourtant assez casse-gueule de minable indic lâche, phallocrate et impuissant est remarquable en proie lui aussi à une crise d'identité qui le dépasse. Les seconds rôles haut de gamme (Martin Sheen, Alec Baldwin) sont parfaits et je donne une mention toute particulière à Mark Wahlberg, absolument génial (je ne pensais pas un jour pouvoir déclarer celà le concernant) dans le rôle de l'adjoint du chef, ordurier et détestable mais dont le code d'honneur reste intact. Enfin, on attendait énormément de la rencontre Scorsese-Nicholson, et on est pas déçu. Toujours aussi enooooorme dès qu'il s'agit d'en faire des tonnes, on le découvre aussi flirtant (mais pas trop) avec la retenue, et assumant parfaitement son statut de vieil homme, statut que lui rappelle d'ailleurs diCaprio dans une scène d'anthologie ou Nicholson nous montre qu'il imite très bien les rats. Seule déception, le personnage féminin pourtant interprété par la très convaincante Vera Farmiga, laisse un petit gout d'inachevé. Sa relation avec les deux personnages principaux aurait pu être plus intéressante.
Au final, The Departed est du Scorsese grand cru, à mon sens son meilleur film de ces dix dernières années. Un film ou les rats sont partouts prêts à sauter à la gorge du premier venu, ou le terme de "citoyen" (mal orthographié) est à redéfinir, ou l'on récompense les défunts (Titre original correctement traduit) tandis que les puissants s'en sortent -presque- toujours. Un film pessismiste et empreint de noirceur et de machiavélisme et au final un très grand film.





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