GANGS OF NEW YORK (2002)
L'histoire
L'action se déroule à New
York entre 1846 et 1863. Deux gangs s'affrontent. D'un côté, les
Dead Rabbits, immigrants irlandais menés par Priest Vallon et les Native
Americans, dont le chef, Bill Poole
dit "le boucher" (Daniel Day-Lewis) va poignarder
Vallon au cours d'un violent affrontement. Amsterdam Vallon (Leonardo DiCaprio),
qui aura vu de ses propres yeux mourir son père, n'aura désormais
de cesse que de vouloir venger sa mort.
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Impression
Alors que l' attente a été interminable, et après avoir
découvert le nouvel opus de la carrière de mon cinéaste
favori, c' est la frustration qui prédomine. En effet, force est de reconnaître
que, et croyez bien que cela me chagrine de dire ça, le film m'a profondément
déçu. A vrai dire, je ne sait pas trop par ou commencer, car peut-on
être objectif, même dans le négatif, quand il s' agit de
faire une critique d' un film de son cinéaste préféré.
Jusqu' ici, c' est vrai, la question ne s' était jamais vraiment posé,
car le réalisateur ne m' avait jamais réellement déçu,
même lorsqu' il s' agissait de ses films dits mineurs. Mais, ici, la déception
est telle que je vais devoir trouver les mots justes pour exprimer mes impressions.
Cela m' amène d'ailleurs une réflexion : dans son numéro
de décembre 2002, le journal Première proposait à ses lecteurs
une spéciale Gangs of New York,
et, parlant dans leur l'édito de Scorsese, il le citait comme étant
celui dont on aime les films avant de les avoir vu. Pour ma part, étant
jusqu' ici inconditionnel du cinéaste, et devant mon désappointement
face à ce film, je crois que je vais longtemps repenser à cette
ineptie d' éditorialiste stupide (mais est-ce vraiment étonnant
de la part de ce mensuel) avant de me prononcer. Mais revenons au film.
De quel film s' agit-il d' ailleurs ? Est-ce un film d' époque racontant
l' histoire de bandes rivales qui se disputent l' occupation d' un quartier
de New York ? Est-ce un film qui traite de la vengeance d'un homme ? Est-ce
une histoire d'amour torride et passionnée ? Ou est-ce un film historique
décrivant un épisode terriblement sombre et oublié de la
création des Etats-Unis ? Bien entendu, c'est un peu de tout ça.
Mais ce tout ça fait-il réellement un film ? Car là ou
le film a échoué, et au delà du film, c'est l'échec
du cinéaste, c'est dans ses choix proposés. Le film s'avère
bancal, surtout dans la deuxième partie, par une suite de situations
s'enchainant à toute vitesse comme si on devait à tout prix, et
dans le lapse de temps prévu (j'y reviendrai d'ailleur un peu plus tard),
traiter tous les sujets du scénario. Depuis New York-New York, Scorsese
a eu l'occasion de travailler à plusieurs reprises sur de grosses machines,
et il s'en ai toujours magnifiquement sorti. Et jusqu'à ce dernier film,
Scorsese excellait dans l'art d'enchainer les situations les plus grandioses
et les scènes les plus intimistes (je pense notamment à Goodfellas
et Casino). Or, dans Gangs
of New York, Scorsese parait comme dépassé par cette
entreprise qu'il a pourtant tant désiré. A noter d'ailleurs que
la précédent déception (relative en ce qui concerne votre
serviteur) de la carrière de Scorsese provenait d'un film qu'il a mis
aussi de longues années à monter, The
Last Temptation of Christ, comme si le cinéaste était
plutôt un cinéaste de l'urgence et qu'il avait du mal à
gérer l'attente. Oui, ici, on a affaire à un film d'un auteur
qui semble bridé par son sujet.
Alors, attention, dans Gangs of New York,
tout n'est pas mauvais, loin de là. Il faut se souvenir de la première
scène, mémorable, ou la violence crue explose au regard du spectateur
dans un balai barbare de sang et de sueur. La séquence de la pagode chinoise
est également un grand moment de cinéma qui voit le premier affrontement
des deux protagnonistes dans un chahut et un suspense incroyable. Et globalement,
à chaque fois qu'apparait Daniel Day Lewis, il se passe quelque chose.
J'aime tout particulièrement l'instant ou il est assis sur son fauteuil,
blessé, un drapeau américain posé sur les épaules,
et parlant de son passé face aux deux amants étendus sur le lit.
Pour moi, la seule totale réussite du film, c'est la présence
de ce phénoménal acteur qui livre ici l'une de ses plus grandiose
composition. Du reste, si je parle de Daniel Day Lewis comme cela, c'est aussi
pour regretter la composition des deux autres acteurs principaux du film, Leonardo
diCaprio et Cameron Diaz. Au rayon déception, ces deux là sont
en tête de gondole. Toutes les scènes qui les réunis tous
deux, sont des scènes ratées, sans émotions ni passion.
Et que dire de leur dernière image qui les rassemble face à Manhattan,
et qui est probablement l'un des final les plus laid du cinéma (avec
en guise de bande son l'une des plus mauvaise chanson - de U2 - et le générique
de fin les moins réussi). Alors bien sur, le cinéaste dénonce
les fondations dans la violence de l'Amérique, tout en la rapprochant
de ce qu'elle est devenu aujourd'hui. Mais sur le même sujet - l'Amérique
s'est créée dans la violence - le film de Clint Eastwood Impitoyable
est une tout autre réussite dans un registre plus austère et intimiste.
D'ailleurs je viens de parler d'Eastwood, et cela m'amène tout naturellement
à Sergio Leone qui, il y a vingt ans de celà portait un regard
comparable à celui de Scorsese aujourd'hui, dans Once upon a time in
America. Et si je cite ce film, c'est que justement, c'est le film - dixit Scorsese
lui-même - qui l'aurait inspiré pour la réalisation de Gangs
of New York. Je suis au regret de dire que son film ne parvient
pas aux chevilles de son illustre prédécesseur. Pis, après
l'avoir entendu affirmer cela lors d'une interview télévisée,
je rève d'un grand Gangs of New York
qu'aurait pu réaliser Leone, réalisateur génial s'il en
ait, et qui savait mieux que quiconque enchainer scène à grand
spectacle avec des centaine de figurants avec des scènes intimistes avec
deux acteurs.
Maintenant, il existe une piste pour expliquer l'étonnante déception
du film. Elle est liée au producteur Miramax, Harvey Weinstein. Il aurait
refusé le premier montage du film d'une durée de 3h45 que lui
avait soumis Scorsese et aurait insisté pour faire de sérieuses
coupes pour ramener le film à une durée plus "rentable"
d'un peu moins de trois heures. Si, à cela, on peut ajouter qu'il ne
regnait pas une ambiance formidable pendant le tournage entre les deux hommes,
on peut croire que tout ceci a déservi le film. On est d'ailleurs en
droit d'espérer une "director's cut" (le montage que souhaitait
le cinéaste) pour une sortie en dvd. Affaire à suivre...
Pour finir, saluons tout de même le travail de deux grands artistes, fidèles
parmi les fidèles. Il s'agit du chef opérateur allemand Michaël
Ballhaus qui signe ici une remarquable photographie, et du décorateur
italien Dante Ferretti qui, une fois de plus, s'est surpassé pour créer
les décors magnifiques du New York du 19 ème siècle.
Autour
du film