L'histoire De 1939 à 1959, la jeunesse
de l'actuel Dalaï-Lama entre sa découverte par son régent
dans un petit village du Tibet, sa formation de chef spirituel et souverain
du pays, jusqu'à son exil après l'invasion du Tibet par la
chine communiste de Mao.
Impression Lorsque Melissa Mathison proposa le nom de Martin
Scorsese pour réaliser le film Kundun d'après son
scénario, les dirigeants de Touchstone Pictures n'en crurent pas
leurs oreilles. Comment ? Le réalisateur de Taxi
Driver, de Goodfellas et de
Casino
réaliser la biographie d'un homme comme le dalaï-lama, vous
n'y pensez pas ? Pourtant à bien y réfléchir, le choix
n'est pas si aberrant que cela puisse paraître. Le sujet du film
est tout à fait scorsesien : un homme face à son destin confronté
à deux puissances. L'une bénéfique, la foi et la compassion,
l'autre maléfique, l'empire communiste chinois qui provoqua le terrible
génocide que l'on connaît. De plus, depuis The
last temptation of christ, on sait Scorsese fasciné par
les destins d'hommes qui ont prêché la non-violence face à
l'oppresseur. Jusqu'ici, les héros du cinéaste avait, c'est
vrai, plutôt tendance à sortir le flingue plutôt que
de tendre l'autre joue. Mais si on voit en Travis Bickle, Jake La Motta
ou Sam Rothstein (respectivement dans Taxi Driver,
Raging
Bull et Casino. Les trois sont
interprétés par Robert De Niro), des héros victimes
de la violence environnante, on peut mieux comprendre le choix de la scénariste
Melissa Mathison.
Dans Kundun, ce qui frappe en premier,
c'est la sérénité qui plane sur le film. Comme si
l'esprit du véritable dalaï-lama avait permit à Scorsese
de réaliser un film méditatif, contrairement à la
frénésie et la violence habituelles du cinéaste. Ici,
un rythme lent, contemplatif. Peu de mouvement de caméra compliqué.
L'image se promène doucement, s'approche calmement des acteurs,
la plupart du temps des enfants. Le montage est souple, tout en nuance,
avec des effets de fondu qui semblent nous prendre par la main. Pas de
doute, le style de Scorsese prend ici un tournant tout à fait intéressant.
Comme souvent, Scorsese illustre sa narration
de plans fugitifs, quasi mystiques. Je pense notamment à ces images
de dessins de sable typiquement bouddhistes, présents dès
le générique et qui reviennent régulièrement,
comme une fixation du temps. Car c'est là l'un des aspect fondamental
du film, Scorsese prend son temps. Toujours préoccupé par
une illustration quasi documentaire des événements de ses
films, la première heure dévoile avec précision la
jeunesse du dalaï-lama en s'attardant sur son apprentissage. Puis,
brusquement, le rythme s'accélère pendant le seconde heure
qui montre l'invasion et l'occupation chinoise. C'est dans cette partie
que l'on retrouve plus facilement le cinéma de Scorsese que l'on
connaît. La violence des événements prend possession
du filmage et les images se font parfois très dures. Le plan du
film le plus fort étant cet étonnant travelling qui monte
vers le ciel dévoilant le douloureux spectacle de centaines de moines
assassinés. Au coeur de cette scène bouleversante, le dalaï-lama
écarte les bras, donnant à son personnage une allure qui
fait immanquablement penser au Christ sur la croix.
Au niveau des collaborateurs, mention toute spéciale
au décorateur (et pour le film également costumier) Dante
Ferretti qui a su recréer les somptueux bâtiments des temples
de Lhassa mais également le froid palais de Mao à Pékin.
Bien entendu, une nouvelle fois la musique prend dans le film une dimension
impressionnante. Composé par le mystique Phillip Glass, elle atteint
une dimension émotionnelle incroyable. L'utilisation des instruments
traditionnels n'est pas sans rappeler la magnifique composition de Peter
Gabriel pour The last temptation of Christ.
Comme toujours élément indispensable à la narration
des films de Martin Scorsese, la musique, ici de Phillip Glass, est une
véritable merveille de poésie et de puissance qui accompagne
les images pendant pratiquement tout le film sans interruption.
Entièrement interprété par
des tibétains (mais en version anglaise), le film est une magnifique
réussite qui permet de connaître une nouvelle facette du cinéaste,
jusqu'ici réputé par son cinéma frénétique,
et qui trouve ici une paix intérieure que l'on ne soupçonnait
pas. Mais aussi, et surtout, il faut absolument voir le film comme témoignage
rare d'un des épisodes les plus dramatique et effroyable du XXème
siècle (rappelons une fois encore que le dalaï-lama est à
l'heure actuelle toujours en exil). Pour ce simple aspect, Scorsese à
fait de son Kundun un film essentiel.
Autour
du film
Le film a été quasiment entièrement
tourné dans les montagne de l'atlas marocain. Curieusement, c'est
pratiquement au même endroit qu'ont été tourné
les scènes de The last temptation of Christ.
Le film est dédié à Catherine
Scorsese, mère du cinéaste, décédé le
le 6 janvier 1997 à New York.
Un documentaire sur le tournage du film a été
réalisé. Il se nomme A la recherche de Kundun avec Martin
Scorsese. Son auteur n'est autre que Michael Henry Wilson qui avait
coréalisé avec Scorsese l'excellent documentaire Voyage
à travers le cinéma américain qui célébrait
les cent ans du septième art pour la télévision anglaise.
Ce sont des tibétains qui interprètent
tous les rôles du film, y compris ceux des soldats chinois. Dans
le documentaire sur le tournage du film "à la recherche de Kundun
avec Martin Scorsese", on peut assister à une scène délicieuse,
ou un jeune figurant prend à parti une troupe de soldat chinois
(des figurants tibétains, donc) aux cris de "Chinois, retournez
chez vous. Tibet, libre".
Le film a bénéficié de l'aide
du véritable dalaï-lama. Scorsese l'a rencontré à
plusieurs reprises et a été littéralement fasciné
par cet homme à la destinée si exceptionnelle.